Un séjour dans la ville du Roi Henri



Connu comme la capitale touristique d'Haïti, la ville du Cap Haïtien, situé dans le département du Nord, fait aussi le charme d'une population hospitalière avec un créole un peu différent du reste des haïtiens. Six années se sont écoulées depuis que l'odeur de cette nature singulière n’a pas alimenté mes poumons d'oxygène. Aujourd'hui, 1er novembre 2018, cette ville m'a grandement ouvert les bras pour me laisser embrasser son histoire, sa superstition, goûter sa gastronomie et marcher sur les pas de mes ascendants.

Sur la route qui mène jusqu’à « Barrière Bouteille » (entrée de la ville) je me suis arrêté à Vaudreuil pour découvrir un havre de paix caché sous une nature verdoyante : l'auberge Villa Cana. Construit selon les techniques de l'architecture moderne, cette auberge est très remarquable par ce décor un peu spécial qui ne dissimule pas la tendance de son propriétaire. A la réception, on est capable de mesurer l’ambiance qui habite la salle. Et pour calmer la fatigue de mon trajet, une jolie serveuse très courtoise, d'une beauté un peu rare qui, d'entrée jeu, par un geste si bien maitrisé, capte mon attention avec un verre de cocktail de fruits, brodé d'un morceau d'ananas et d’une cerise.

La clé de ma chambre en main, le goût de partir à l'aventure m’envahit et me donne l’impression d’une personne qui visite pour la première fois cet endroit. Sans même assoupir les calamités du voyage sous une douche, je prends la poudre d’escampette pour aller explorer cette ville qui garde toujours sa marque coloniale.

Assis derrière une motocyclette, un vent poussiéreux maquillant mon visage, atteindre la ville devient mon principal objectif. Après avoir parcouru quelques distances, la moto s’est arrêtée au périmètre limitrophe de la cité comme pour donner le coup d’envoi d’un marathon qui commence. En foulant le sol, je me suis fait témoin de l’indiscrétion d’un entassement d’immondices qui occupe les trottoirs de la cité. Malgré la palpabilité de cette négligence municipale, je me laisse guider par ce sentiment inconnu qui oriente plutôt mes sens vers les formes architecturales des anciennes maisons.

Je me promène lentement dans cette ville avec un regard complice pour comprendre pourquoi elle est réputée pour l’épanouissement de la personnalité collective. Soudainement, le grondement de cet abdomen en colère change temporairement ma volonté d’explorateur en celle de trouver un endroit où je peux assouvir ma faim. Sur l’indication d’un passant, j’ai prolongé deux rues adjacentes pour trouver un bar and grill (A&J) au coin de la rue 18 F. Pour calmer rapidement mon estomac déchainé, je prends un sandwich au jambon fromage accompagné d’un verre de jus de melon.

Au moment même de déguster mon petit mets sur cette table à l’esplanade, je reçois un appel d'un cousin qui me donne rendez-vous au crépuscule à un restaurant chic de la ville. Après avoir terminé mon repas et épuisé mon temps de sieste, je me rends chez une cousine pour prendre un bain et passer un moment avec elle avant d’aller à cette rencontre.

Vers 7 heures, j’arrive dans cet emplacement convivial du boulevard. Stupéfait, mon cousin était déjà présent, prêt à me recevoir avec une bouteille de vin rouge rubis à reflets violacés. Le visage souriant, il me serre la main et me fait un geste pour m’inviter à m’asseoir. Sans plus tarder, il commence à me raconter son histoire : des faits liés au vodou et ses expériences de néophyte en matière de mysticisme. Rattrapé par la fatigue après de longues heures de dialogues, il me ramène vers minuit à l’auberge pour me reposer.

Le lendemain à l'aube, l'envie de se jeter dans la mémoire des lieux de la Citadelle me guette à mon réveil. La serveuse de chambre, m’ayant surpris à me ressasser mon itinéraire de la journée, sans être indiscrète, m’a appris qu’il y a eu des protestations sur le site et les activités touristiques à Milot sont présentement paralysées. Le désir brûlant de revisiter cette huitième merveille du monde a dominé cette peur naissante, quelques heures plus tard, me voilà sur les sièges d'un tap-tap en direction de Milot !

Arrivé là-bas, tout était calme et paisible ; aucun indice signalant les tensions de la veille. L’humeur de ce temps pacifique peut-être sondé à travers cette file d’attente métissée au niveau des guichets. Pour rester dans la discipline qui hante le lieu, je fais la queue pour retirer le billet qui donne accès à la visite. Après avoir acquitté le modique frais de 50 gourdes, les vestiges du Palais Sans-Souci sont les premiers endroits de ma visite, ensuite je me suis rendu à la petite chapelle se trouvant à proximité du palais pour apprécier l’ingéniosité du Roi Henri. Une fois terminée avec la contemplation de ces deux endroits, j’aborde le chemin qui se trouve derrière le Palais pour faire le périple des 7 kilomètres qui doivent me conduire à la Citadelle Laferrière.

Dissimulé sous un brouillard dense, je pénètre dans les périmètres de cette architecture bien pensée, élevée à 900 mètres d’altitude qui domine le sommet de la montagne. A l’intérieur, des boulets sont entassés, des canons sont encore en place devant certaines de ses nombreuses portes et fenêtres comme pour exprimer la raison pour laquelle cette construction a été érigée. Un plaisir fou m’envahit, je commence à lire les gravures inscrites sur les canons et à me promener dans les coins et recoins de la Citadelle. Pour identifier certains endroits de la forteresse, intelligemment, je suis ce groupe d’étudiants pour écouter les explications du guide qui leur raconte l’histoire de la citadelle.

Vers 2 heures, je suis déjà sur le chemin du retour dans cette camionnette animée, roulant à toute vitesse et polluant la couche d’ozone avec ses échappements noirâtres ; j’atteins la ville en une quinzaine de minutes. Pour me recréer après cette excursion, je prends la direction de la place en face de la cathédrale Notre-Dame. Assis sur un banc, une crème à la glace à la main, je termine le reste de la journée, heureux et satisfait, portant mon regard sur les gens qui s’amusent et se détendent sur la place. A la tombée de la nuit, je regagne l’auberge pour diner, prendre un bain et participer à un festival de Jazz annonce pour la soirée dans les jardins de Villa Cana.

Le lendemain, 3 novembre, très tôt dans la matinée, sac au dos, bagages en main, je prends un taxi pour me rendre à la station d’autobus. Sur la route, en direction de Port-au-Prince, je sens poindre en moi un pincement de chagrin mais, l’amour de ma petite famille qui m’attend, redresse rapidement mon enthousiasme : il est temps de rentrer à la maison !
                                               Jeff Valbrun

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